3 décembre 2010

"Backstage & On Stage with Mothers"/1974 US Mag.




'Look Out Pretty Mamma, I'm On The Road Again'
par Tom Davis pour le magazine "Buggle American"

Semaine du 2 au 8 mai 1974
15 cents dans le Milwaukee, 25 cents ailleurs

Traduit de l'américain pour Zappa In France
par le Studio'H ©2010 tous droits réservés


ZAPPA CONCERT: BACKSTAGE & ON STAGE
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Ce n'est difficile pour personne de voir la différence entre le magazine "Rolling Stone"
et "Buggle": "Rolling Stone" vous coûte 5 fois plus cher pour la même quantité. Il y a une autre différence: Ils adorent enrober leur travail d'un maximum de glamour, de paillettes et enrichir l'égocentrisme des stars du rock 'n roll. Le budget d'un "Buggle" nous aide à garder les pieds sur terre. Quand "The Stones" sont dans les nuages, le "Buggle" traine derrière la scène à recueillir les histoires authentiques de celui qui bosse vraiment le plus dans l'univers du rock - le roadie.

L'entreprise Intercontinental Absurdities, plus communément appelée Frank Zappa et les Mothers Of Invention a donné deux représentations au Théatre de Riverside la semaine dernière. Tout au long de la journée dans la salle de spectacle, les hommes qui s'occupent du matériel de Zappa (les roadies) ont trouvé le temps de nous parler de leur vie en tournée. L'article qui suit prouve que le métier de roadie est un job exigeant mais nécessaire. Quelques-uns d'entre eux et en particulier avec Zappa, arrivent à subir le rythme effréné pendant plus d'une année ou deux. Pour finalement succomber à des problèmes physiques ou mentaux, voir les deux à la fois.

Deux roadies, présents sur la tournée depuis seulement trois mois, sont déjà sur les rotules.
Un roadie qui ferait cela pendant 4 ans finira toujours par trouver que solitude et précarité sont un gros problème comme la perte de motivation pour un travail somme toute très ardu. Le repos reste plus lucratif que de sortir après le concert pour la plupart des roadies en tournée.

Les roadies ne sont pas les seuls à être derrière les forçats de la scène. Il y a aussi les chauffeurs des camions, les machinistes, les promoteurs et le road manager. Ca n'est pas évident pour le spectateur de débourser 4 ou 5 dollars pour assister à un concert, je vous l'accorde, mais d'un autre côté ca n'est pas de l'argent facile pour ceux qui décident d'organiser un concert.
Paul Hoff qui est sur la route auprès de Zappa depuis maintenant quatre ans déjà est le chef officieux des roadies des Mothers. Il vendait des fringues en vivant dans la toxicomanie et ne connaissait rien à propos des aspects techniques du rock n' roll avant de bosser pour Zappa. Hoff me raconte: "Je vivais avec une femme qui travaillait comme secrétaire pour Frank, je suis débarqué un soir où il jouaient et ai demandé s'ils avaient un boulot pour moi et c'est comme cela que j'ai été engagé."


##Paul Hoff with Napoleon Brock III + Zappa @ Riverside Theater

Coy Featherson
déclare également avoir été au bon endroit et au bon moment. Son frêre aîné était roadie pour Zappa juqu'au concert d'Austin - Texas, il y a trois mois de cela, où il a décidé de quitter la tournée et de rester en ville. Coy a travaillé aux Amarillo World Headquarters, la mecque de la musique branchée d'Austin quand il a découvert que Zappa était à la recherche de deux personnes pour s'occuper du matos en tournée. Coy a contacté Marty Perellis (le road manager de Zappa) un samedi, le lundi suivant il travaillait déjà.

Un autre produit originaire d'Austin, un garçon de 23 ans prénommé Jim, a été engagé en même temps que Coy sur recommandation du grand frêre de celui-ci. "Je m'étais acheté un multipiste pour mon studio de ma maison d'Austin et je mourrais littéralement de faim" avoue Jim entre des coups portés à une canette de Budweiser. "J'avais fait de la sonorisation dans des clubs de la région pour des artistes comme B.W. Stevenson ou Tracy Nelson. Quand la tournée des Mothers est passée par chez moi je m'y suis accroché à cause des voyages, de l'argent et de la musique".

Le travail de Jim consiste à installer les micros, le système d'amplification et à règler la console de mixage pendant le show. Coy s'occupe des jacks, installe les claviers de George Duke, les batteries de Chester Thompson et Ralph Humphrey et saute autour de la scène pour prendre des clichés du groupe pendant la représentation.

Hoff reste dans les coulisses pendant tout le concert pour garder un œil sur l'équipement. Pendant l'installation, Paul ajoute qu'il est "responsable de la vérification de la bonne installation de l'équipement sur scène, que tout est bien branché et est en ordre de marche: les lumières, le son, le matos du groupe". Et que cela prend environ trois heures pour décharger et installer les 11 tonnes d'équipement de Zappa et de ses neufs Mothers.

Après un petit-déjeuner à 10 heures du mat, Paul m'annonce qu'il doit se rendre au Riverside Theater et qu'il y restera jusqu'à 3 heures dans la nuit à remballer le matériel et à le recharger dans le camion. Au final comme le groupe jouera plus longtemps que prévu, son travail ne sera toujours pas achevé à 3h30 et c'est deux heures plus tard seulement que le rideau final se baissera enfin sur la soirée.

L'ennui pendant la tournée devient évident au travers des commentaires que Paul fait à propos du calendrier des dates. "Après que nous soyons arrivés dans le Milwaukee hier vers les 15 heures, nous avions un jour de relâche, mais j'ai préféré dormir car les trois jours précédents nous avions eu des concerts fatigants. Quand nous avons une soirée de disponible, j'aime sortir si toutefois j'ai l'énergie nécessaire, mais là il s'agit d'une formation et d'une équipe totalement nouvelles. J'ai été énormément occupé à essayer d'apprendre à tout le monde le process de l' installation et chacun a passé beaucoup de temps à apprendre un nouveau job. Ca été vraiment difficile".

Les nouveaux roadies que sont Jim & Coy déclarent être fatigués eux-aussi. Seulement la nuit précédente ils ont glissé de leur chambre vers le bar du Holiday Inn où 'ils se sont chargés' sans l'aide de personne en écoutant la musique de "The Infernos".
"Tous les Holidays Inn se ressemblent et pour la plupart des salles de concert c'est pareil" raconte Paul "Vous voyagez tellement rapidement que vous ne voyez pas grand chose de la ville où vous êtes. Je n'arrive que rarement à me souvenir d'où nous sommes arrivés".


##Zappa between the two shows @ Riverside Theater

L'équipement était à peu près entièrement installé au milieu de l'après-midi. Zappa et les Mothers sont arrivés à la salle de concert vers les 15h30 pour des balances qui ont duré deux heures. Les roadies ont pris une pause d'une heure, grapillé de la nourriture et se sont préparés pour le premier concert 'en matinée' vers 19 heures. La seconde pause des roadies, c'est pendant l'heure qui sépare les deux shows.
Jim & Coy déclarent que l'effort physique impliqué dans le chargement et le déchargement du semi-remorque et le manque de sommeil sont les deux plus gros problèmes. Il y a d'autres moments de tension d'après Jim: "Juste avant que le groupe débute, j'étais devant la console de mixage et j'avais des problèmes de feedback ou alors un microphone qui était en train de nous lâcher. C'est dans ces moments-là que la pression se fait réellement sentir".

Les questions que se pause Paul sur la précarité de son boulot? "Qui sait aujourd'hui combien de temps Frank Zappa, ou n'importe qui d'autre, restera encore dans le business? Etre roadie dans un groupe c'est comme en faire partie. Et si votre personnalité pause problème à un des membres du groupe, vous ne ferez pas long feu".

Voyager avec les mêmes personnes pendant trois mois ?
"Vous pouvez facilement être surexposé à une personne," note Paul "ce qu'il me reste à faire est de fermer ma porte et de rester dans ma piaule. Je pense que c'est probablement la chose la plus dure pour moi - se retrouver seul. Je vis maritalement depuis deux ans avec une amie à Los Angeles, j'ai donc tout ce qu'il me faut à la maison. J'imagine que de partir sur la route pour un moment retse un break salutaire pour notre couple aussi longtemps que notre relation est saine, encore que".

Les personnes présentes sur la tournée des Zappa-Mothers disent que les groupies sont une réalité. "C'est ici qu'elles sont à votre recherche", déclare Paul "en temps normal un roadie est le meilleur moyen pour vous faire accéder à la star adulée". Coy me précise: "Si les poulettes veulent voir ou rencontrer un membre du groupe, c'est vers les roadies qu'elles se tourneront en premier, on profite que des restes mais on s'en sort bien". "L'influence des groupies voulant tâter de la star était bien plus grande par le passé." lâche Jim "Personnellement je me suis engagé auprès de quelqu'un à revenir à la maison alors je ne vais pas tout foutre en l'air !"

Les Mothers ont été arrêtés une paire de fois pour atteinte au bonnes moeurs mais jamais à cause des drogues. Une tournée avec Zappa implique zéro-stupéfiants et selon Paul:"C'est dangereux quand vous êtes sur la route car les flics adorent arrêter les groupes de rock. D'aussi loin que je me souvienne Zappa n'a jamais rien consommé hormis du café, qui reste une drogue pour moi. Zappa en boit une trentaine de tasses par jour".

Coy ajoute sans aucune honte que le café est loin d'être la seule drogue présente sur la tournée. "Les membres du groupe aiment bien planer. J'aime bien planer moi-aussi. Frank a goûté à l'herbe seulement deux fois et son organisme n'a pas supporté le traitement. Frank est juste un vrai paranoïaque."

"Les roadies des groupes tel que Led Zeppelin sont plus dissolus, plus toxicos et ils font la fête tous les soirs"
déclare Paul. "Avec Zappa c'est plus orienté boulot: si tu fais correctement ton travail il ne te reste pas beaucoup de temps pour autre chose".
"J'adore travailler pour Zappa"
ajoute Paul lors d'une courte pause "Pas mal de personnes qui ont essayé ce job n'ont pas du tout apprécié car cela ne ressemble en rien aux pratiques du rock n' roll qu'ils avaient connues auparavant. Moi j'aime ça car cela change en permanence. Je n'ai jamais à faire la même mise-en-place. Le personnel change souvent et je suis amené à rencontrer de nouvelles personnes. Et puis Frank est un type bien, il est vraiment très intéressant et créatif".

Le nouveau chauffeur pour Intercontinental Absurdities Ltd., Bill Romero, m'a avoué que "dans son précédent job, il en faisait deux fois plus et en dix fois plus dûr qu'à l'heure actuelle. Maintenant c'est super de travailler pour Frank: l'atmosphère est excellente car tout est vraiment très cool".

"C'est une réelle difficulté de conserver des amis quand vous êtes perpétuellement en voyage,"
déclare Paul en picorant tièdement sa bouffe dans une assiette en plastique. "Je n'ai plus l'occasion de voir mes vieux potes. Je trainais dans l'univers de la drogue dure avant de faire ce boulot et toutes mes connaissances de l'époque pensent que c'est la honte pour moi car je ne suis plus défoncé et que je n'ai plus le temps pour traîner ou pour faire ce genre de choses. Je crois que je n'ai pris qu'une seule semaine de congés durant ces quatre dernières années".

... à suivre !


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